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Yvonne Blum-Bloch

Sciences humaines

1888-1967

paru le 16/12/2019 - Mise à jour le 11/03/2022 (15:06)

Yvonne Blum est née le 31 août 1888 à Sedan dans les Ardennes. Elle est la fille d’Émile Blum, négociant en draperies, et de Dina Klein. On ne sait rien de l’enfance d’Yvonne Blum, les informations manquent. Mais il semble, d’après son acte de naissance, que la famille de sa mère soit également impliquée dans l’industrie textile. C’est sans doute pour des raisons professionnelles que sa famille déménage à Roubaix au 35 rue Charles Quint.

Première étudiante licenciée à la Faculté des Lettres

Yvonne Blum obtient son baccalauréat en 1905 puis une licence littéraire d’allemand à la Faculté des Lettres de Lille en 1906. Elle est la première femme de la Faculté à obtenir ce diplôme ce qui fait d’elle une pionnière de la Faculté. Elle poursuit en obtenant en 1907 un diplôme d’étude supérieure (DES) en langue et littérature classique. Yvonne Blum poursuit en obtenant une agrégation es Lettres (1910) puis en choisissant de préparer un doctorat d’État en Lettres. Elle poursuivit ce projet jusqu’en 1914. A la rentrée 1914, Yvonne Blum n’est plus inscrite à la Faculté. Entre temps, la France est entrée en guerre et le Nord est occupé par l’ennemi.

 

Exil parisien et mariage

Nous retrouvons sa trace à Paris un peu plus tard avec sa famille. Yvonne Blum a-t-elle fui l’invasion avec sa famille ou a-t-elle fait partie de ces nordistes évacués par les Allemands vers la France comme étant des bouches inutiles à nourrir ? Désormais, la famille Blum réside dans le seizième arrondissement rue Gustave Zédé. A Paris, Yvonne Blum soutient l’effort de guerre en choisissant de devenir infirmière. C’est peut-être ainsi qu’elle rencontre Jules Bloch, professeur chargé de cours à l’École Pratique des Hautes Études. Yvonne Blum a 28 ans. Né en 1880 à Paris, Jules Bloch est licencié es Lettres, agrégé de Grammaire, diplômé de l’École Pratique des Hautes études, diplômé de l’École des langues orientales et doctorant es Lettres. Une brillante carrière s’ouvre à lui. Mais Jules Bloch, comme beaucoup d’autres jeunes hommes de son âge, sert sous les drapeaux. Il est sous-lieutenant au 220e régiment d’infanterie et a déjà reçu la croix de guerre pour son courage au front. Les jeunes gens se marient le 4 novembre 1916 en présence du maire de Roubaix, Jean-Baptiste Lebas, récemment relâché par les Allemands. Cette faveur est probablement due aux relations d’Émile Blum. Après le mariage vient le temps de l’attente et de l’angoisse, d’autant que s’annonce une première naissance. Jules Bloch est décrit comme « un officier d’un moral très élevé » et courageux. Il est cité à l’ordre de l’armée en octobre 1916 : « Avec mépris absolu du danger a le 6 septembre conduit brillamment sa section à l’assaut, a pris le commandement de la compagnie dans des circonstances extrêmement difficiles, a résisté à plusieurs contre-attaques. Officier d’un courage et d’un sang-froid extraordinaire. »

Heureusement, il revient vivant de la guerre. Il semble qu’Yvonne Blum ait renoncé à exercer une profession après ses études ou à finir son doctorat. Entre 1917 et 1925, elle met au monde quatre enfants : Alain, Denis, Brigitte et Vincent. Elle aura le malheur de perdre son fils ainé en 1928. Son époux poursuit une carrière prestigieuse en tant que directeur d’études à l’École Pratique des Études, au Collège de France, l’Ecole des langues orientales et la Faculté des Lettres de Paris. Il devient en 1920 le secrétaire adjoint de la société de linguistique. Vincent Bloch se souviendra plus tard que son enfance fut « heureuse auprès de parents exceptionnels qui avaient d’innombrables amis remarquables ». L’ombre du fascisme plane pourtant au-dessus de ce bonheur familial. Jules Bloch fait partie de ceux qui signent « l’appel du comité de vigilance des intellectuels antifascistes ». L’invasion de 1940 met fin à cette période heureuse. Pour le fils d’Yvonne, Vincent, 1940 est la fin de l’enfance.

Deuxième guerre mondiale

Yvonne Blum et Jules Bloch ont élevé leurs enfants dans « une tradition pacifiste associée à un culte patriotique à connotation militaire ». Devant l’avancée des Allemands, la famille prend la route de l’exode comme beaucoup de Français. Mais après l’armistice, ils doivent se résoudre à rentrer à Paris, sans doute pas sans inquiétude sur leur sort. En 1940, leur fils Denis part et s’engage dans les Forces Françaises Libres en rejoignant Londres par l’Espagne. Comme chacun, ils connaissent bientôt les affres de la faim et du froid durant le rationnement. La famille habite près des usines Renault et vit dans la peur des bombardements alliés. A cela s’ajoute bientôt la peur des rafles. Comme la famille est juive, Jules Bloch a été relevé de ses fonctions et ne peut plus enseigner. Vincent Bloch se souviendra avoir essuyé quelques insultes antisémites. En mai 1942, la Feldgendarmerie débarque pour arrêter Jules et un voisin. Grâce à sa fille Brigitte qui retarde les gendarmes, Jules et son fils Vincent ont le temps de fuir. Le lendemain, c’est la Gestapo qui visite le domicile familial.  La famille doit fuir en ordre dispersé vers la Zone libre. Ils se retrouvent à Castres avant de gagner Lyon où Jules trouve un poste à la Faculté des Lettres. Pendant ce temps, Vincent tente de continuer ses études à Toulouse tout en échappant au STO (Service du Travail Obligatoire) grâce à de faux papiers. Il s’engage dans la résistance puis rejoint le maquis. Il participe à des parachutages d’armes et d’officiers alliés ainsi qu’à des attaques de convois allemands. On imagine l’inquiétude de sa mère, sans doute tenue dans l’ignorance de ses activités mais séparée de lui et craignant d’apprendre son arrestation à tout moment. A la Libération, il s’engage dans l’armée qui le mène jusqu’en Allemagne.

L’après-guerre

A la fin de la guerre, Yvonne Blum et sa famille regagnent Paris. Jules Bloch prend sa retraite en 1951, il décède en 1953. Yvonne décède à son tour en 1967 à Sèvres.

Son fils Vincent devient enseignant en psychophysiologie. Il exerce à la Faculté des Sciences de Lille de 1963 à 1972 et prend la tête du département de biologie (1968) peu avant les événements qui mènent à d’importants changements dans les universités et notamment à la création de l’université de Lille 1. Dans son autobiographie, il souligne avoir gardé de très bons souvenirs de sa période lilloise. Il œuvre durant sa présence au rapprochement entre la biologie et la psychologie qu’il souhaite voir rejoindre le campus Cité scientifique mais ce projet n’aboutit pas.

Une fois son cursus universitaire achevé et sa vie de famille débutant, on ne retrouve plus de traces directes d’Yvonne Blum dans les archives. C’est à travers la carrière de son mari et la biographie de son fils qu’il a été possible de retracer son parcours au sortir de l’université à l’ombre des hommes de sa vie.

 Notice rédigée par Sarah Lagache.

 

Sources

 

Bibliographie

CONDETTE (J-F), La Faculté des Lettres de Lille de 1887 à 1914 : métamorphoses d’une institution universitaire française, Villeneuve d’Ascq, Presse universitaire du Septentrion, 1999.

PAROT (Fr.) et RICHELLE (M.), Psychologues de langue française, Presse universitaire de France,1992.

 Archives

Dossier étudiante 2640W 28 Archives départementales du Nord

Acte de naissance 2 E 209 34 AD 08 Archives départementales des Ardennes

Acte de mariage 16M201 Archives départementales du Nord

Dossier militaire Jules Bloch D4R1 1083 archives de Paris

Sources en ligne

Rapport annuel du doyen de la faculté des Lettres, Annales de l’université de Lille, Nordnum.fr

Notice biographique Jules Bloch sur Persée.fr

Pierre DELORME et Jean-Marie COQUERY, « La physiologie animale & la psychophysiologie à la Faculté des Sciences de Lille de 1958 à 1970 », Histoire de la Faculté des Sciences de Lille et de l'Université Lille 1 Sciences et Technologies, tome 7, Association de solidarité des anciens personnels de l'Université de Lille.